Immersion

Nous avons choisi de partir comme volontaire, et non comme expat ou humanitaire pour plusieurs raisons, notamment (et prioritairement), pour vivre avec la population pendant de nombreux mois. Non pas vivre près d'eux ou à côté, mais vivre avec, c'est à dire travailler avec eux, dans leur structure, être payé la même paye qu'eux, manger la même chose qu'eux, aller aux mêmes fêtes qu'eux...C'est vraiment pas simple car il faut que l'on se conforme à leur fonctionnement, que l'on mette de côté (pour un temps) notre façon de penser (efficacité, rendement, rigueur, productivité...) pour mieux les comprendre. C'est ainsi que nous commençons à mieux percer à jour les manières d'être par lesquelles passer pour faire rentrer un peu de rigueur et d'efficacité dans les projets.

A vivre avec eux, on ne palpe pas seulement la réalité africaine: on l'éprouve. Par exemple, cela fait maintenant près de 2 mois et demi que nous n'avons pas été payés (le gouvernement n'a toujours pas versé l'argent pour les fonctionnaires (eh oui, nous sommes fonctionnaires ici!)) et nous avons donc dû largement limiter nos dépenses et mêmes prendre des petits crédits par ci par là. Nous avons ainsi senti nous même combien cela était pesant de ne pas savoir quand est ce que nous allons être payé, de ne pouvoir faire aucun projet, et de se savoir avec quelques petits crédits sur le dos...Et c'est alors que nous avons mieux compris ce qui pouvait peser sur les familles ici. Nous avons mieux senti ce que les mères et pères de famille pouvaient avoir comme soucis chaque jour: comment trouver de l'argent pour acheter à manger «qui, au bout de deux mois sans paye, voudra bien, encore une fois, me faire un crédit pour un peu de manioc?».
Chaque mois, les gens s'endettent et lorsqu'ils ont la paye ils remboursent leur dette et s'endettent à nouveau jusqu'à la nouvelle paye et ainsi de suite. Cercle infernal difficile à rompre tant les payes sont incertaines et les prix des produits élevés.

Mais un petit espoir est là: les chinois sont en train de construire la route qui va relier Isiro à la capitale de région et permettre ainsi les échanges de marchandises par camions (qui se faisaient jusqu'alors en avion); aussi, d'ici 6 mois les prix des denrées manufacturées et agricoles vont baisser, le pouvoir d'achat des isirois va augmenter (et oui, même ici, on parle de pouvoir d'achat)!