Une coupe de cheveux
Pour se faire couper les cheveux il faut demander à un coiffeur pour blancs, car les cheveux sont différents, chacun a sa spécialité. Le problème s'est que les coiffeurs pour blancs ne court pas les rues d'Isiro... Il n'y en a qu'un, on l'appelle blanc blanc car il est plus blanc qu'un blanc, à moins que ce ne soit car il s'habille toujours intégralement en blanc... de la casquette jusqu'aux tongues en passan
t par les chaussettes, la veste et tout... Comme vous pouvez l'imaginer comme les colons sont partis depuis au moins 30 ans, il n'est pas tout jeune, né en 1937, il a commencé sa carrière en 57 en tant que coiffeur pour blancs, à cette époque il y avait 3000 européens à Isiro. Il était le premier à avoir un vélo dans son quartier pour aller voir les clients, il travaillait du matin jusqu'au soir pour coiffer tout le monde. Il m'a raconté également que c'est un avocat qui avait fait construire notre maison. Il aimait bien à l'époque aller au bowling de temps en temps pour se distraire, mais maintenant il n'y a plus aucune trace de ce bowling...

Comme il n'a pas de salon il vient couper les cheveux à domicile... Et tout en parlant, il coupe les cheveux doucement mais au final pas si mal... il a su garder la main... quand je lui demande s'il s'est mis à couper les cheveux des congolais, il me dit que non, que lui ne coupe les cheveux que des européens. D'ailleurs il garde un souvenir très positif des colons, au moins eux, étaient contents de voir quelqu'un d'autre qui réussisse. Et puis « quand tu travailles bien, ils te payent bien et même ils te recommandent à leurs amis. » Il va même jusqu'à dire qu'il est peut-être noir à l'extérieur mais il est blanc à l'intérieur... (c'est marrant en France j'entendais plutôt l'inverse). A voir son aspect longiligne et le nombre de blancs qui restent sur Isiro (peut-être une vingtaine avec ceux qui ne font que passer de temps en temps) ça ne doit pas lui faire un gros salaire... Mais il garde toujours le sourire. Comme ustensiles, il a une tondeuse mécanique, un peigne et une paire de ciseaux (en plastique : type école primaire)... pour les finitions dans le cou, il me demande si j'ai un rasoir... Son autre grande fierté, c'est son fils qui est professeur d'anglais dans une école d'Isiro, il me dit "moi, je parle bien le français mais je ne peut pas l'écrire alors que mon fils il parle bien l'anglais mais en plus il l'écrit très bien". Maintenant il a fini de me couper les cheveux, après lui avoir demandé 3 fois, j'ai pu lui régler la coupe, mais il reste assis sur sa chaise et compte bien continuer la discussion encore un bon moment... Il est intéressant, mais se répète un peu... Je ne sais pas comment lui dire au revoir sans le froisser, il est si gentil... Heureusement pour moi un visiteur vient me sauver... Mais non en fait il reste où il est pendant que je m'occupe de mon invité et rien ne semble pouvoir le faire bouger... Quel personnage ce blanc blanc... Il est finalement parti en me laissant rêveur sur cette ville construite artificiellement par des colons qui ne sont plus là, autour d'une voie de chemin de fer et de quelques industries qui sont toutes à l'abandon...
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